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Hip-hop Beyrouth style

La riche culture hip-hop au Liban mise en lumière grâce au documentaire de Salim Saab alias « Royal S » projeté aujourd’hui à l’Institut français du Liban. Il retrace l’histoire de ce mouvement à travers les témoignages de graffeurs, rappeurs, DJ et beatboxers de l’underground beyrouthin. A voir! Et à lire ici, l’article de Maya Ghandour Hert dans L’Orient Le Jour du 12 avril 2017:

Sélim Saab reconstitue la scène artistique underground qui unit, dit-il, tous les Libanais, confessions et statuts sociaux confondus.  

Sélim Saab, aka Royal S, lance demain jeudi 13 avril une double déclaration d’amour. D’abord à sa ville natale, Beyrouth, « si riche culturellement ». Et au hip-hop, ensuite, le nectar dont il se nourrit. Le condensé se présente sous la forme d’un documentaire tout simplement intitulé Beyrouth Street : hip-hop au Liban. « Le hip-hop ? C’est une partie de ma vie, de mon identité. Il était naturel que je mette en lumière cette culture plus qu’autre chose », affirme le journaliste animateur de radio en France. « Sur Aligre FM 93.1 et Radio-Monte-Carlo, je mets en avant la culture hip-hop depuis presque 10 ans, ajoute-t-il. Je suis rappeur depuis 1996. Je voulais mettre en lumière un aspect du Liban que beaucoup de gens ne connaissent pas. Une scène alternative en pleine ébullition. »

Sa caméra au poing, il s’est donc lancé à l’assaut des rues, des roof-tops, des studios et des clubs de l’underground beyrouthin, filmant et interviewant un bon nombre de graffeurs, rappeurs, DJ, beatboxers et danseurs. « Il y a énormément de talents au Liban, et en tant que franco-libanais je voulais apporter mon soutien et mettre en avant tous ces artistes. »

Et presque tous insistent sur l’importance du message véhiculé à travers leurs différents moyens d’expression, que ce soit en paroles scandées, en chorégraphie ou en dessins sur les murs.
« Bien sûr que le message est important, renchérit Saab. Le rap est un moyen d’expression qui touche du monde, donc oui, c’est important de faire passer des messages, de parler de l’actualité, de dénoncer, de parler de ses problèmes, ses rêves, sa vie, ses interrogations… Mais il faut aussi savoir que le rap c’est aussi de l’ego trip, de la technique niveau flow et rimes. Donc ce n’est pas une obligation de faire passer un message. »
Et bon nombre de rappeurs ont choisi l’arabe comme langue d’expression… « 90 % des rappeurs libanais rappent en arabe et beaucoup le font sur des samples de Feyrouz, Abdel Halim ou Oum Koulthoum, indique Sélim Saab. Même si certains avaient tâté, à leurs débuts, du rap en français ou en anglais, ils sont vite passés à l’arabe. On est au Liban, la langue nationale c’est l’arabe, c’est donc normal et naturel de rapper dans cette langue. »

Underground vs mainstream

À Beyrouth, les scènes électro et pop sont plus vivaces que la scène hip-hop, alors que partout dans le monde les disques hip- hop/RnB cartonnent. « C’est vrai que le hip-hop, du moins le rap libanais, est encore très underground au Liban, renchérit le journaliste. Parce que le rap américain est joué dans toutes les soirées. Mais effectivement, le rap libanais, au pays du Cèdre, est assez underground et peu de radios en diffusent sur leurs ondes. Cependant, il y a des pubs comme Radio Beirut qui soutiennent la scène locale et organisent des micros ouverts, mais globalement il n’y a pas beaucoup de soutien de la part des grands médias. Peut-être parce que le rap dénonce et critique le pouvoir, le système, etc. Je ne sais pas… » Et d’ajouter : « Du coup, si le grand public n’est pas au courant de ce qui se passe en musique hip-hop sur le plan local, ça ne peut pas cartonner. Sinon, le graffiti est assez populaire et beaucoup de gens s’y intéressent au Liban, car c’est un art visuel qui peut toucher tout le monde. Jeunes et moins jeunes. »
Partout dans le monde, le hip-hop est devenu mainstream, pourquoi ne pas collaborer avec les grands chanteurs populaires pour élargir son potentiel d’écoute ? « Le hip-hop aux USA ou en France est ancré dans la société, c’est vrai. Il y a un côté très mainstream, mais il y a aussi une scène underground très vivante. » Pour Saab, la question à poser serait donc plutôt : pourquoi les chanteurs populaires ne s’intéressent-ils pas trop au rap libanais ?

Comme dans tous les domaines, il y a les grands et les précurseurs. En connaisseur de la scène, qui sont les Afrika Bambaata et DJ Kool Herc du Liban ?
« Afrika Bambaata je ne sais pas, reconnaît Saab. Mais on peut dire que le Kool Herc libanais, c’est DJ Lethal Skillz. Même, je n’aime pas faire de comparaison, car chacun a son histoire. Mais Lethal Skillz est le premier DJ hip-hop au Liban. Il a aidé beaucoup de monde et a consacré une partie de sa vie à cet art. Dédicace à lui. »
La nouvelle génération de rappeurs libanais semble très talentueuse. Qui sont les artistes à suivre ? « Al-Muhandas et Jnood Beirut qui sont ultraproductifs et talentueux. En ce moment, Chyno est en train de cartonner et fait énormément de concert. En graffiti, Spaz et Exist font partie des meilleurs graffeurs de leur génération. Je ne m’en fais pas pour le hip-hop libanais, il a de beaux jours devant lui. »
Sélim Saab, êtes-vous satisfait du résultat ? « Oui, assez satisfait. Je voulais montrer une facette de Beyrouth que peu de gens connaissent et je pense avoir réussi. Maintenant, c’est au public de juger… »
Question subsidiaire qui surgit après avoir visionné le documentaire : le hip-hop rend-il chauve ? « Je ne sais pas… Mais en tout cas, il ne rend pas riche. » (rires).

Morceaux choisis
– « Le rap c’est l’expression de la jeunesse. L’expression de celui qui veut dire des choses de manière simple et rapide. » – Rayess Bek.
– « Le rap arabe est encore nouveau, nous sommes en train de construire cette culture, cette scène au Liban et dans tous les pays arabes. Le hip-hop a toujours été une façon de transmettre les messages, d’éduquer les gens. Maintenant, avec tout ce qui se passe dans le monde, on a vraiment besoin de communiquer avec le peuple et c’est ce qu’on fait. » – Malikah.
– « La culture du hip-hop, pour moi, c’est presque tout. Adolescents, nous avions beaucoup d’idées, de rage, de rancœurs et de choses à dire et à extérioriser. La culture du hip-hop nous convenait parfaitement. » – Osloob.
– « J’ai choisi un sample de musique arabe, car c’est notre héritage. C’est la musique sur laquelle nos parents et grands-parents ont été élevés. »
– « On fait du graffiti pour nous exprimer et enjoliver notre ville. »
– « Ce qui nous unit, ce sont les murs de Beyrouth. » – Spatz.

 

 

 

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